Coup-de-coeur de David MARSAC pour L’homme en pièces de Marion FAYOLLE
DISSONANCES #32
J’en ai fini avec les mots de la littérature. Je me mets au dessin. À la BD, l’illustration. Je cesse de lire. Je regarde. J’admire. Je tourne les planches. J’apprécie les couleurs, les formes, l’évocation des mythes : Ulysse et Galathée, entre autres. Ce livre n’appartient à aucun genre précis du genre auquel il appartient. Ni véritable BD, ni livre pour enfants, ni même roman graphique, son unité est sujette à caution. C’est une suite de fragments, vaguement reliés par la situation d’un couple qui s’aime et se sépare, se recompose par moitié dans une drôle de famille mal assortie, désaccordée : une demie fille et un demi garçon se retrouvent dans une maison faite de demis fauteuils, demies commodes, demis tableaux mal raboutés.
La tendance de ce récit sans mot est à la destruction, à la reconstruction, façon puzzle, d’une humanité qui a du mal à échapper aux pièces qui la composent. Tout part et se délite et se perd en morceaux dans ces miettes de récit : de la maison aux habitants qui tentent de l’habiter, du chat qui finit en pelote, de l’homme absent qu’une femme replie après avoir dîné, de la femme qui s’efface à l’éponge dans son bain, tout se désarticule, fout le camp, a du mal à tenir debout. À se montrer entier. L’humanité, c’est du morceau.
Les personnages de Marion Fayolle sont voués au cannibalisme et à l’autophagie comme à un destin. Chacun n’a qu’une idée : prendre possession de l’autre, pour disparaître dans sa carcasse et dans sa peau. L’habiter enfin. Le hanter. Devenir autre par une suite incessante de métamorphoses. Ce sera mon dernier mot.
éd. Magnani, 2015
64 pages
20 €