DISSONANCES #43 | TRANS-
Rouler le temps
« Brûlée, partie avec la caravane. Le gaz s’est emballé, une flamme plus haute a accroché les rideaux. Des rideaux de nylon orange au-dessus de la cuisinière, c’était une mauvaise idée. La mère venait de les accrocher, une femme du village les lui avait donnés. Encore beaux, la couleur fraîche. La flamme a pris là-dedans puis dans les cheveux. Il s’est précipité dehors pour demander de l’aide. Il a couru sur le terrain vague pendant que ça hurlait, que ça se dépêtrait dans le plastique en train de fondre. La petite sœur n’était pas encore revenue de l’école. Le temps que le car la dépose en bas de la colline, qu’elle monte jusque-là, c’était fini. Il n’y avait plus qu’un tas de tôles noircies, la caravane de la mère, un vieil animal ronflant dans les cendres.
On va pouvoir partir, tout recommencer à zéro, a dit le père.
Elle a brûlé avec la banquette de skaï, le pouf, le petit miroir encadré de plastique rouge qu’elle avait suspendu à un clou. Ça puait. Il y avait là-dedans ses cheveux blonds, sa façon de pencher la tête, de gesticuler dans si peu de place, le monde fini de l’enfance, la respiration douce du sommeil, la poitrine de lait. Terminé. Ils allaient déménager, aller à… »