DISSO #45 : Tristan FELIX

Extrait de l’entretien avec Tristan FELIX publié dans DISSONANCES #45

   Tristan FELIX (petite)

Écrivez-vous plutôt « pour » ou « contre », « dans » ou « hors », « malgré » ou « à propos de » ?
J’écris plutôt dans, dedans, immergée, en semi-hypnose, sauf peut-être lorsque je chronique des livres qui m’ont gratté l’âme car je me dois d’être à hauteur de l’expérience de l’autre. Je n’ignore pas pour autant le pour ou le contre. On a ses colères, ses enthousiasmes mais l’écriture ne s’engage vraiment que si elle malaxe le maelström de ce qui la touche pour en faire éclore des choses qui n’existent que par elle. C’est notre seul rapport au réel. Je m’engage toujours dans l’inconnu pour le découvrir, ce qui me met hors de moi.

Quelle est la part de la contrainte dans votre écriture ?
Les chiffres 3, 6 ou 9, qui sont des fœtus à l’endroit ou renversés, en tout cas des signes en gésine, neufs. Parfois des rimes, des mètres, des strophes, des versets ; parfois un flux libre mais la scansion comme la mélodie toujours domptent l’imaginaire à 360 degrés sinon ce serait une bouillie. Par exemple, mes « Ovaine » sont des contelets de 6 alinéas parce qu’elles sont des énigmes poétiques que la langue doit résoudre grâce à cette échéance. La folie est autrement plus rationnelle et contrainte que le délire marchand des neuroscientifiques ou des actionnaires de pleine conscience.

Que faites-vous quand vous n’écrivez pas ?
Je continue d’écrire dans ma tête mais j’oublie au fur et à mesure jusqu’à ce que sur la feuille ou l’écran s’invente autre chose empreint de ce qui a été oublié. Je vis ce que j’écris, que je tète un Lagavulin ou tente de faire sourire un lézard. J’écris aussi bien sûr quand je lis, avec une voix parallèle ou dissidente, en tout cas toujours enrichie, en ricochet.

Qui est votre premier lecteur ?
Parfois mon amie Anne Peslier, très intuitive. Le plus souvent c’est mon moi étranger quand le texte a suffisamment attendu pour que les maladresses saillent.

Qu’est-ce qu’un bon éditeur ?
Un être qui te fait confiance, qui te reconnait, qui ne copie-colle pas en aveugle, donc qui est capable de te corriger, qui t’accompagne par une diffusion efficace, des propositions de salons, de marchés, de festivals, de signatures etc. Qui veille à ne pas…

…suite de l’entretien dans la version papier de DISSONANCES #45

BIO

Tristan Felix naît à Saint-Louis (Sénégal) et demeure à Saint-Denis (France). Polymorphe, elle décline la poésie sur tous les fronts ; a publié en vers comme en prose vingt-sept recueils et, pendant 12 ans, a codirigé avec Philippe Blondeau La Passe, une revue des langues poétiques. Elle est aussi dessinatrice, photographe, marionnettiste (Le Petit Théâtre des Pendus), conteuse en langues imaginaires, performeuse vocale, clown trash (Gove de Crustace). En 2008, elle co-fonde L’Usine à Muses, pour la promotion des arts vifs et de la poésie, et se met à fabriquer d’insolites films avec son complice cameraman nicAmy. Elle cultive l’échange, l’étrange, le brut, le ciselé. Ses créatures oniriques guérissent qui s’y frotte. Son univers chamanique est inquiétant, lyrique et jubilatoire, entre théâtre de rue intérieure, cabinet de curiosités et cirque poétique. En 2021, Arsène Tryphon (alias Yoan Armand Gil, des éditions Venus d’ailleurs, qui l’a éditée et exposée) compose un CD, La Mort se fait la Belle, où elle interprète des rêves sonores lyrico-punk de cabaret. Un second CD mijote.

BIBLIO SÉLECTIVE (ÉTÉ 2023)

Rêve ou crève (éd. Tinbad, 2022)
Laissés pour contes (éd. Tarmac, 2020)
Aphonismes (éd. Venus d’ailleurs, 2017)
Zinzin de Zen (éd. Corps Puce, 2016)
Journal d’Ovaine (éd. L’atelier de l’agneau, 2011)