Coup-de-cœur d’Anne VIVIER pour Pistes… suivi de Sutures de Penda DIOUF
DISSONANCES #41
« Je me rends compte ce jour-là de ce que je suis au regard des autres : un déguisement. » Penda Diouf passe son enfance et son adolescence dans des villes moyennes de province. Solitaire, mais pas par choix, elle subit la bêtise et l’ignorance, de ses camarades, de ses enseignants. Car Penda a la peau noire au milieu d’un océan de peaux blanches. Avec finesse, elle ausculte les traumatismes de cette enfance et déroule le fil du chemin parcouru. Comment se construire et où aller, quelles pistes suivre ? Celles du terrain d’athlétisme ou, en amoureuse de Jane Eyre, les chemins boueux menant à Thornfield-Hall ? « Te souviens-tu des dunes de Namibie et du roulis du sable sur leur flanc ? » Mais les pistes se dérobent sous ses pieds, et c’est en Namibie qu’elle part essayer de retrouver sa route. Et la Namibie à la beauté minérale cache une Histoire sombre et méconnue. Dans une langue faussement simple, directe, qui coule comme les grains de sable sur la dune, Penda Diouf ausculte, exhume, tisse, raconte l’Histoire de ces peuples martyrs, les Héréros et les Namas, massacrés par une Allemagne pas encore nazie mais qui affinait déjà ses techniques génocidaires. Dans ce pays étranger, Penda Diouf est toujours à part : sa peau est noire mais elle est une touriste au pouvoir d’achat occidental. Alors : se perdre pour mieux seconstruire ? Le texte, patchwork d’histoires, kaléidoscope de souvenirs, tisse sa toile autour du lecteur dans un assemblage complexe et toujours passionnant. On y apprend beaucoup, on y réfléchit aussi, porté par cette approche à la fois intime et sensible, et juste, et percutante : « Et remonter le fil… »
éd. Quartett, 2021
96 pages
11 euros