Coup-de-coeur d’Alban LÉCUYER pour Toute une vie bien verticale de Manuel DAULL
DISSONANCES #33
C’est l’histoire de « celle qui est née dans la cité – dans la cité des hommes et des femmes il y a des années ». Comment elle a mal grandi, vers le haut et au détriment des racines, comment elle s’est inachevée aussi, parce que la ville autour d’elle accordait trop de place à l’absence et à l’attente : « elles sont rares les nourritures de l’esprit dans la cité – on ne trouve pas n’importe quoi, la poudre est entrée dans la cité – comme si l’esprit seul pouvait se barrer d’ici – des trous partout, pas longtemps, assez pour que mon père s’en aperçoive – assez pour être suffisamment dans la merde pour tailler des pipes dans les caves, à en perdre la faim – suffisamment longtemps pour voir les hommes de près, à vomir ça me coûtait ». Après il y aura des trains, qu’on prend ou qu’on regarde passer, et des déclarations d’amour, de celles qu’on préfère laisser sur un répondeur téléphonique : « le bonheur n’était pas prévu dans le cahier des charges ».
Toute une vie bien verticale est un livre sur la périphérie, sur cette distance incompressible qui marque la frontière entre là où les choses adviennent et les ailleurs qui se définissent d’abord par leur inertie, et leur entêtante propension à faire naître en nous le sentiment d’un en-dehors indépassable. Avec son obsession de la réitération, Manuel Daull construit un admirable récit autour de la recherche obsessionnelle de « l’Art d’Habiter sa vie ». Un art qui réside peut-être tout entier dans la question du langage telle qu’elle se trouve ici formulée, entre les mots qui prennent corps et les corps indicibles.
éd. L’Atelier contemporain, 2015
148 pages
15 €