Coup-de-cœur de Julie PROUST-TANGUY pour La maison des feuilles de Mark Z. DANIELEWSKI
DISSONANCES #43
Difficile de dépeindre le grand bonheur que l’on éprouve en relisant un de ses livres cultes dans une nouvelle édition, surtout quand celle-ci s’annonce plus fidèle à l’édition originale. On découvre, fébrile et admiratif, les améliorations de mise en page proposées par l’éditeur et le profond respect qu’il éprouve pour cette œuvre dense et singulière – adjectifs souvent galvaudés, sauf pour ce Livre.
Grâce à ce pari éditorial louable, de nouveaux lecteurs pourront ainsi se perdre dans les diverses couches d’un récit où ils croiseront Johnny Errand, un jeune homme à la vie et à la raison dissolues, qui trouve le manuscrit d’un vieil aveugle, l’érudit Zampano. Ce dernier propose l’analyse d’un film “amateur” à la renommée mondiale, The Navidson Records, une enquête visant à explorer les mystères d’une « maison » (en bleu) à la géographie non-euclidienne, plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur. Plus on sonde la maison, plus elle semble se dilater et changer de forme. Elle devient peu à peu un labyrinthe typographique dans lequel grogne, menaçant, un « minotaure » (en rouge)…
Le lecteur, Thésée sémantique, doit alors créer son propre fil d’Ariane à travers diverses couches de notes, voix et références qui s’empilent au fil des pages et le conduisent à tourner son livre dans tous les sens pour suivre un texte devenant aussi tortueux que le décor auquel il donne vie. Le voilà condamné à décoder du braille, des mots en miroir, des rangées de X, des notes de bas de page d’une abondance affolante, des poèmes… jusqu’à ce que « ce vaste monde bleu qui est le nôtre / ressemble à une maison de feuilles / quelques instants avant le vent. »
traduit de l’américain par CLARO
éd. Monsieur Toussaint Louverture, 2022
694 pages
27,50 €