CRANSKENS Caroline | Là où

Coup-de-cœur d’Alban LÉCUYER pour Là où de Caroline CRANSKENS
DISSONANCES #48

« Où j’étais les plans craquent à nouveau je me tords pour gagner du temps inspire expire veillant le vide à gauche le plein / Où je suis il suffit de dire printemps pour voir tournoyer les feuilles et les encres au-dessus du sol pavé de poings levés et de combustibles ».
La poésie de Caroline Cranskens esquisse un monde politique, corrodé par les violences policières et la brutalité du capital – qui en réalité ne composent qu’un seul et même fascisme -, un monde au crépuscule duquel « la beauté s’est assise puis couchée ». Ses textes, affranchis des frontières naturelles du rythme de la phrase, offrent l’opportunité passionnante de construire plusieurs lectures à partir d’un même corpus de mots, et la possibilité d’une communion rare entre une auteure et ses lecteur·ice·s. « Où je suis mes yeux cherchent à oublier où j’étais une façon de faire le jour la nuit je reviens chaque fois en arrière d’un monde ça signifie je regagne un périmètre ou bien je donne de mon temps à la cause sociale encore ce matin je raconte mon rêve c’est un naufrage ». La liberté d’écriture n’a d’égal dans ce contexte que «  l’horrible empêchement de l’être » dont les tentatives d’émancipation s’empoissent dans la spirale du retour aux souvenirs et aux forces inertes qui entravent l’action collective, annonçant la fin des utopies.
Là où, c’est un espace, un corps, un moment qui ressurgit avec fracas. C’est le lieu où la violence est reçue, contrée, contestée, cicatrisée. Si Caroline Cranskens n’esquive ni les peurs ni la douleur, elle parvient par la beauté de la langue à faire émerger l’éventualité d’une libération à travers les luttes et les désirs.

éd. Isabelle Sauvage, 2024
24 pages
7 €