Coup-de-cœur d’Isabelle GUILLOTEAU pour Lorsque la seule réponse est demain d’Éric COSTAN
DISSONANCES #38
« Souvent au quotidien / Tu ne me tiens plus la main / C’est un peu comme en hiver / Lorsque la seule réponse est demain ». Promeneur solitaire dans une nature apaisante et bouillonnante, Éric Costan, « les yeux derrière les lunettes du quotidien », cultive sa langue de poète-jardinier. Enracinée dans la terre nourricière, la poésie de cet « homme-sève », « né d’un noisetier » et aspirant à « devenir saule », incarne tout à la fois la vie minérale, végétale, animale. Le poète en son domaine « Plonge la tête sous la surface du monde / Et de la vie restée là / Au bout de la langue » pour nous offrir les visages enfouis du vivant et les paysages, miroirs intimes d’un être « palpitant en exil ». Ici, les rêves sont des boucliers contre l’adversité : « Nous mourons là où nous baissons nos rêves » ; là, les mots des armes : « Je vais retourner / Poncer ma langue / Chaque nuit / Charger de grave et de vide mes armes ».
Paisible et tourmentée, mêlant l’instantané figé au souffle mouvant de l’épopée, la poésie d’Éric Costan, qui « aime créer seul ses tempêtes », rappelle parfois le Sturm und Drang des romantiques dans leur exaltation d’une nature complice, mais avec la simplicité virtuose d’une langue proche de celles d’un Brautigan ou d’un Prévert. Le verbe s’y écoule comme un ruisseau parcouru de rapides. Sur ses rives, en ligne de fuite et d’horizon, la femme aimée, rêvée, l’Eurydice, célébrée par la voix d’Orphée : « Guide-moi dans ce noir / Tends ton regard / Ta fureur / Je m’y accrocherai / Je ne me retournerai pas avant sa lumière ».
Comme au sortir de l’hiver, pour qui « attend sous la cendre », « la seule réponse est demain », l’amour.
éd. La Centaurée, 2020
78 pages
17 €