CARTER Angela | Les machines à désir infernales du Dr. Hoffman

Coup-de-coeur d’Aurélie TRONCHET pour Les machines à désir infernales du Dr. Hoffman d’ Angela CARTER
DISSONANCES #40

Si cet ouvrage était une attraction, de celles foraines qui attirent et emportent dans des mouvements sinueux provoquant à la fois l’euphorie et la nausée, elle pourrait s’appeler « Le double saut périlleux trompe-la-mort de l’amour ». Ce pourrait être un peep-show offrant des variations de la scène primitive, ou bien une Maison de l’Anonymat où les tables sont des hyènes et les prostituées des croisements d’animaux et de végétaux, ou bien encore un formidable baisodrome produisant une énergie érotique digne d’une vision de Wilhem Reich. Pénétrer dans ce récit picaresque, c’est plonger tête première à la suite de Desiderio dans le terrier du Dr Hoffman, dans un « monde qui n’existe que comme un médium dans lequel nous accomplissons nos désirs. » Angela Carter y convoque Freud, Hegel, Caroll, Swift, Voltaire. Elle fait dialoguer la raison triste et belliqueuse de la Détermination et la folie des désirs qui s’incarnent en toutes choses qu’ils transforment sous l’orchestration du Dr Hoffman. Il faudra alors s’accommoder de la rhétorique métaphysico-philosophique et se laisser ravir par la générosité baroque de la narration onirique. Il faudra se résigner à suivre Desiderio, émissaire du Ministre de la Détermination, dans sa poursuite du Dr Hoffman, ou plutôt dans celle de sa fille Albertina, apparue en rêve, désir fait chair et sang et tous les fluides du corps qui vont avec la passion. Il faudra se laisser prendre par des langues inconnues de peuples originels, de monstres de foire et de centaures, apprendre par le corps la langue du plaisir car « Il n’y a pas de sujet plus grave que le plaisir. » Même si, sur notre langue, il peut laisser un goût amer.

traduit de l’anglais par Maxime BERRÉE
éd. de l’Ogre, 2016
355 pages
23 euros