Coup-de-cœur de Romain PARIS pour Babeluttes d’Aurélia BÉCUWE
DISSONANCES #43
Avec Babeluttes, Aurélia Bécuwe nous livre un dithyrambe à l’enfance doublé d’une diatribe contre la cruauté structurelle de l’arsenal éducatif, où des flash-back à vif portés par une prosodie aurifère et nous offrant à voir la sauvageonne furibarde qu’elle fut, coruscants d’ironie alerte ou d’effronterie ardente et toujours s’ouvrant à des épiphanies rutilantes de fraîcheur, font écho à son quotidien dans la salle de classe où elle paraît incarner le Capitaine d’une Arche guerroyant contre le Déluge pour ces Galopins de la Négligence, cette géniture d’une défection éthique unanime, le tout consigné dans un verbe cru, acerbe. J’imagine que ça doit décoiffer, une prof avec ces réflexions-là, une femme à fleur d’enfance qui se bat avec ses rêveries aux luxuriances frétillantes contre la tyrannie et la stérilité d’esprit d’un univers d’adultes trop lâches pour réaliser qu’à force de préjugés ils asphyxient cette jeunesse vouée à n’avoir que des repères affligeants. C’est qu’elle tire de l’ébullition et de la candeur cinglante de ses premières années de quoi lutter contre l’arrogance clownesque et la veulerie des grandes personnes. Et si cette prof des écoles s’acharne à léguer à ses élèves ce qui ira sombrer dans les Abysses de Connerie qui embastillent en général le foyer familial, elle n’oublie pas que ses fulgurations de poète sauront braver beaucoup mieux que ses scrupules d’enseignante cette crétinerie parentale et l’aveuglement systémique des autorités scolaires dans un pied-de-nez à l’Orthodoxie du Grégaire : « Je ne vous demande pas d’oublier la langue que vous parlez déjà mais d’en apprendre une autre qui vous permettra de tenir tête. Aux avocats, aux médecins, aux banquiers, aux juges, aux patrons, aux contrôleurs. »
éd. Conspiration, 2022
131 pages
16 €