ARISHIMA Takeo | Cette femme-là

Coup-de-cœur de Julie PROUST TANGUY pour Cette femme-là de Takeo ARISHIMA
DISSONANCES #44

Paru en 1998 sous le titre Les Jours de Yôko aux éditions Philippe Picquier, le roman de Takeo Arishima revient chez Sillage dans une traduction corrigée et augmentée d’un intéressant (quoique fort court) appareil critique.
L’auteur propose le portrait étonnamment moderne, acide et sensuel d’une héroïne qui cherche à fuir sa condition de femme : «  depuis son enfance, elle se conduisait librement, au gré de ses impressions et de sa fantaisie, sans permettre qu’une volonté étrangère la détournât de son chemin, mais lorsqu’elle jetait un regard sur le passé, si peu comparable aux jours vécus par les femmes obéissantes, elle avait la sensation de se trouver seule dans une plaine inconnue, immense et déserte ». Refusant d’être soumise et silencieuse, Yôko utilise sa séduction pour forger son propre destin – au risque de voir cette arme causer un scandale qui l’empêche d’atteindre les États-Unis, où l’attend l’émancipation désirée (« elle avait pensé qu’elle eût été plus heureuse si elle était née dans un pays étranger. Que désirait-elle ? Rien qu’une vie libre ! »).
Tableau au vitriol du Japon à l’aube du XXe siècle, Cette femme-là s’avère aussi un roman psychologique remarquable : loin d’être une délicate victime suscitant la pitié, Yôko dévoile un caractère complexe, impudique, lucide, égoïste, passionné et indépendant.
Espérons que Sillage publiera les autres œuvres d’Arishima ou celles de son frère, Ton Satomi, dont les deux romans, Fleurs d’équinoxe et Fin d’automne, quoiqu’adaptés au cinéma par Ozu, sont toujours indisponibles en français !

traduit du japonais par Albert MAYBON et Masaomi YOSHITOMI
éd. Sillage, 2023
164 pages
12,50 €