Coup-de-cœur de Julie PROUST TANGUY pour Une femme de Sibilla ALERAMO
DISSONANCES #41
À quoi ressemble l’un des premiers livres publiés par les éditions Des Femmes en 1974 ? À un classique du féminisme italien qui propose, sous forme d’autofiction, une description fort juste des mécanismes de l’oppression féminine.
On découvre la difficulté, pour une femme issue d’un milieu provincial, à se construire intellectuellement, affectivement et sexuellement, entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. La plongée dans la psyché de la narratrice donne à ressentir l’enchevêtrement terrible de ses expériences : misogynie intériorisée, viol, figure paternelle oppressive, mariage arrangé, fausse couche, tentation de l’adultère, difficulté à combiner maternité et liberté intellectuelle, impossibilité d’être libre…
Si l’écriture d’Aleramo préfère l’introspection lyrique au militantisme (« J’ai eu une enfance libre et vive. La faire revivre dans mon souvenir, en faire miroiter les facettes dans mon esprit, me semble un vain effort. Je revois la petite fille que j’étais à six ans, à dix ans, mais comme en rêve ; un beau rêve que le moindre retour à la réalité ferait sombrer. Musique aussi, à l’harmonie délicate, vibrante, nimbée de lumière, et dont le souvenir éveille toujours le même plaisir. »), elle porte en elle les germes nécessaires à la révolte : « Il appartient à la femme seule de revendiquer son existence. Elle seule peut révéler la véritable essence de son psychisme. »
De l’autobiographie déguisée jaillit ainsi un compagnon étonnamment moderne pour les premières vagues des luttes féministes.
traduit de l’italien par le collectif de traduction des éditions Des Femmes
éd. Des femmes, 2021
256 pages
10,75 euros