Coup-de-coeur de David MARSAC pour Nuages de Boris WOLOWIEC
DISSONANCES #28
Boris Wolowiec existe. Boris Wolowiec est un mystère. Son œuvre est née là déjà là, d’un coup, au net et sur le net, www, boriswolowiec, point fr. Le livre que nous lisons est l’iceberg inversé des nuages dans le ciel, dans l’en-deçà du ciel, dans le marbre imprimé. Boris Wolowiec existe. Boris Wolowiec est un mystère. Voyez sa vie. Lisez son œuvre. Celle d’un reclus dans la verdure, d’un écrivain prieur, d’un crâne source-fontaine, d’une hémorragie syntaxique. Nuages, dans l’œuvre déjà profuse, est une ode au génitif, au complément du nom absent de la mère, à l’infini de son bégaiement : « Les nuages lévitent les golgotha de buée somnambule du gris blanc. »
La poésie de Wolowiec est propulsée et retenue par la fureur d’exactitude qui court au cœur inaccessible des mots qui se dérobent et que la main tachée arrache à même le calvaire du crâne : « Les nuages surgissent abandonnés à oui. Les nuages surgissent abandonnés à l’aveuglement de à oui tu sauf. »
Jamais le lait du langage n’apaisera les halètements du poète nourri au Génitif du Nom. Le lai n’aime ni le lait ni le laïc. L’entraînement de la syntaxe épuise la nonchalance de la définition. Le dictionnaire est une aberration car le poète engendre lui-même sa propre langue, il en est la matrice et la génisse. Le lecteur est prié de lâcher sa tétine et son petit pot de beurre, et d’aller chercher consolation d’un saut éblouissant dans la tendresse à blanc du vide : « Les nuages mangent le ciel par la poitrine de la syncope. »
éd. Le Cadran ligné, 2014
48 pages
10 euros