Coup-de-coeur de Jean-Marc FLAPP pour Et je me suis caché de Geoffrey LACHASSAGNE
DISSONANCES #26
Trois frères de sept, quatorze et vingt-et-un ans : Jules – l’aîné – est parti pour Paris, les deux suivants – Titi et Jérémie – vivent chez leur grand-mère dans un bled limousin : dit comme cela, n’est-ce pas… mais ce qu’en fait Lachassagne est juste hallucinant : son roman est un chant où alternent d’abord, longtemps et seulement, les voix des deux petits, puis soudain s’intercale celle du grand qui revient ; distinctes absolument, d’une justesse absolue chacune à sa façon, fortes incroyablement, ces voix nous font entrer tour à tour dans les peaux : de Jérémie – l’Innocent – prophète de sept ans (« Pour ceux qui sont partis, et pour les stècachés – prière de Jérémie, le soldat de Yahweh les mains jointes et dans ma tête baissée : Confiance »), de Titi – l’Enragé – ado incandescent (« Et ça a pas manqué : au bout d’un moment j’ai senti que. Que je me retournais. Comme un gant. Ça me brûlait de partout alors finalement j’ai hurlé. »), de Jules – le Fracassé – le déjà mort-vivant (« le désir, l’angoisse, tout cela qui ne sert à rien, ni à personne, cette souffrance absurde, celle des hommes, et ton choix, celui des anges déchus. ») ; par chorus successifs et points de vue croisés de ces trois solitudes que lient sang et racines, le récit se construit, course poursuite épique de trois paumés en transe – cas sociaux magnifiques aux rêves décalés et au besoin d’amour (à prendre et à donner) insatiable et béant : picaresque, haletant, drôle, cru, déchirant, écrit à fleur de nerfs, à très haute tension, Et je me suis caché m’a saisi à la gorge… et ne m’a pas lâché.
éd. Aux Forges de Vulcain, 2012
258 pages
17,90 euros