BLONDEAU Philippe | Mourantes natures

Coup-de-coeur de Tristan FELIX pour Mourantes natures de Philippe BLONDEAU
DISSONANCES #29

mourantes

« Un enfant voit passer avec inquiétude, dans la clarté froide des carrelages communs, l’homme dévêtu poussant devant lui dans son socle feuillu le tronc d’un sexe disproportionné ». L’ouvrage, issu d’une inquiétante et lente gestation, étrangère aux pullulements éditoriaux où s’épuise la création OGM jetable, sans descendance ni saveur ni sapience, est éclos post mortem, un miracle de densité et d’éblouissement poétiques. Le style de Blondeau, poète confirmé, et les dessins au bâton d’encre de Chine du mystérieux érudit Coat Morvan, ex-passeur de la revue La Passe, époustouflent. Leur duo halluciné et lucide où l’un s’exhausse de l’autre dans une transfusion salutaire, se penche avec la ferveur des orfèvres sur la décrépitude végétale. On lit et relit cette fantasmagorie germinative avec la sensation d’être à chaque fois enté par des prolongements organiques : l’abandon à ces mourantes natures, donc point mortes, la participation à leur vif dépérissement sont la condition villonnesque, rabelaisienne et baudelairienne du seul contrat poétique qui vaille. Ci-gisent dix-huit reliefs d’un festin observé à travers une lentille convexe capable d’irradier les au-delà incertains de notre terre dévastée : liège, pomme, tubercule, agrume, pin, pavot, loupe, ail, orme, pigne, noix, ail en cheveux, vigne vierge, trois oignons, grenade, sureau. « Mais dans le trou de cette planète pâle, dans cet antre où s’active quelque accouplement d’astres, on voit poindre un germe d’avenir, une promesse qui roulera bientôt hors du ventre ouvert de cette boule meurtrie sur le beau glacis de l’infini. »

éd. Corps Puce, 2015
56 pages
11 euros