BRODSKY Joseph | Vingt sonnets à Marie Stuart

Coup-de-coeur de Christophe ESNAULT pour Vingt sonnets à Marie Stuart de Joseph BRODSKY
DISSONANCES #26

vingt sonnets

Ma première rencontre avec une traduction de ce poème remonte à ma lecture d’un volume publié par Gallimard (traduction de Claude Ernoult). J’avais lu alors plaisamment, mais bien trop vite, sans soupçonner qu’une relecture du texte dans un autre écrin provoquerait un tel ravissement. André Markowicz nous offre une seconde traduction en tous points miraculeuse. Présence du texte en russe et aussi en langue anglaise (par Peter France, dont le texte a été revue et « validé » par Brodsky lui-même). L’un des charmes de l’ouvrage, ce sont les mises en regards des différentes traductions. Outre les partis pris formels (je m’en tiendrais aux versions françaises, ne lisant pas le russe et ayant une maîtrise de l’anglais très limitée) se pose très vite la question du sens. On a assez peu l’impression de lire les mêmes textes (il s’agit là de textes de création). « Comptant le nombre de coucheries, / ça fait un nombre impressionnant, Marie – / disons, vingt-neuf, et trente, et trente et un. (A. M.) Furent-ils trois ou quatre, ou bien furent-ils trente, / furent-ils plus encore, ou quarante ou cinquante ? / As-tu compté, Marie, avec combien d’amant pris au hasard, tu as couché n’importe quand ? » (C. E.). Pour le lecteur que je suis s’est bientôt tissé une troisième traduction, fruit des fusions des deux textes et de mon imaginaire. En cela, l’expérience est unique. Le lecteur joue, tourne le livre en tous sens, découvre qu’en langue anglaise les rats deviennent pigs. Les relectures des textes offrent en surplus euphorisant un texte amovible et inépuisable. Appelons cela un régal.

éd. Les Doigts dans la prose, 2013
191 pages
18 euros