BUREL Renaud | Château-Rouge Hôtel

Coup-de-coeur d’Alban LÉCUYER pour Château-Rouge Hôtel de Renaud BUREL
DISSONANCES #26

château-rouge hôtel

Renaud atterrit presque par hasard dans une soirée parisienne, boit au-delà de ce qui est nécessaire pour perdre toute trace de son existence immédiate et se réveille sur le lieu de la fête éteinte, l’appartement d’Inès. Il a depuis longtemps appris à se mouvoir dans l’inaccomplissement de toute chose : de son rapport à la psychiatrie, interrogation sans issue sur la lucidité et ses chimères ; de sa relation avec Inès, qu’il veut totalement sans pour autant la désirer. Le roman de Renaud Burel mime les mouvements désarticulés de celui qu’envisage son personnage, chronique d’une folie tellement enracinée dans son époque qu’on finit par ne plus la remarquer. Renaud se disperse peu à peu dans le décor d’un Paris contemporain, motif malevitchien où les bars de quartier se confondent avec les chambres d’HP, l’envie avec le dégoût, le besoin de vivre avec l’urgence d’écrire et de reconnaître le reflet qui apaisera ses démences. « Il était écrit que je ne tomberais pas en amour pour la généreuse putain qui me chaufferait le plus en passant rue Blondel, mais pour mon double inaccessible incarnant l’énigme idéale de mon labyrinthe. » Cette confrontation au monde – forcément radicale – de quelqu’un qui n’a pas peur de la douleur, prend l’allure d’une danse indécise entre l’ivresse solaire des instants d’euphorie et le fond inachevé d’une bouteille de Destop. Dans une pirouette prophétique, Renaud assure pourtant dès le début que l’histoire ne s’arrête pas là : « Pour moi, pénétrer au royaume des cieux était aussi difficile que passer entre deux points, ouvrez les guillemets. »

éd. Allia, 2013
152 pages
9,20 euros