Coup-de-coeur de Jean-Marc FLAPP pour Hardcore de WISIELEC
DISSONANCES #40
Hippomène d’Arcas est un jeune homme moderne. Urbain et connecté (hypersocialisé), il va à des soirées, y prend des drogues fortes, y croise d’étranges gens, y fait n’importe quoi : sa vie est une fête… mais il y est sans y être : en profonde « diserrance », il cherche qui il est. Il est artiste, père, muet. En plus d’être le titre de l’œuvre de commande (un porno conceptuel) sur laquelle il s’éreinte, Hardcore est le récit de la « Tribulation » de ce dandy post-punk, depuis sa conception (« Adam et Ève, cette nuit-là, conçurent. Je suis le fruit de ce pédé et de cette chienne. ») jusqu’à son ordalie (par la rose bien sûr (et cette rose de sang) « dont la tige partait de l’entrejambe du Christ enfant, passait dans la main droite du Verbe qui effleurait le cœur de la Vierge, et se prolongeait vers la bouche de la Théotokos ») : quête initiatique donc (avec tout ce qu’il faut d’épreuves et de tension) et beaucoup plus que cela. Car ce livre est en fait un monstre littéraire où la pornographie la plus hallucinée, l’horreur la plus glacée, l’humour le plus cinglé et le psychédélisme le plus échevelé s’accouplent éhontément avec le mysticisme le plus anachronique et le plus flamboyant : ici tout est excès (dans ce qui est raconté (qui passe les bornes tout le temps) comme dans la façon dont Wisielec écrit (qui est décadente à souhait : « « Tu m’as l’air bien gracieuse », observa l’ange funèbre d’une voix suave et ironique lorsqu’il fut parvenu auprès de moi. « Serais-tu sans crainte ? » ») et c’est un peu comme si les fantômes de Bloy, Barbey d’Aurevilly, Powys, Dante, Dantec (et mille autres exaltés) tenaient là un sabbat. Bref c’est très décalé (et donc très incorrect (et donc très réjouissant)).
éd. Æthalidès, 2016
424 pages
18 euros