DISSONANCES #45 | TOXIQUE
Descente
« Début de la quatrième nuit. B. a les yeux rouges. Dès qu’il les ferme, son cœur, son foie, sa gorge et ses poumons le rappellent à la froide réalité. Ses bras lui semblent fragiles et légers, comme si sa peau n’abritait que de l’air.
À l’aube de la première nuit, B. était un Dieu. Un cachet. Une nuit. Mille ans. Trois fois mille ans en une nuit. Extase. Jamais il n’était monté si haut. La nature entière l’enveloppait d’amour. Une musique puissante pénétrait son corps, pulsait en lui l’énergie du soleil et de la lune. Il était invincible, se nourrissait d’ambroisie. Et puis il y eut le lendemain, le long tunnel du réveil. Une éternité qu’il souffre le contrecoup de ce bonheur prométhéen.
Tout tremble autour de lui. Normal, il est dans un train. Il est 22 h et l’automne finit ce soir. Le wagon est vide. Dehors, l’obscurité laisse entrevoir quelques signes de vie : les toitures de pavillons à demi effacés, l’affluent d’une rivière qui s’engouffre sous un pont, les lumières d’une cité HLM au loin et une forêt dans laquelle se tapissent des centaines d’yeux invisibles. Tout se mélange, camouflé par la pénombre.
Une porte s’ouvre à l’avant du wagon. B. a des sueurs froides. C’est… »