Coup de cœur de Justine ARNAL pour Ferdinand des possibles de Franceska POLLOCK
DISSONANCES #49
Les rencontres déterminantes produisent toujours des métamorphoses sur les vies. Ferdinand, polyhandicapé, muet, sourd et presque aveugle, atteint d’un syndrome aussi rare qu’envahissant sur les plans physique et psychique, rencontre Francesca. Et celle-ci, qui devient sa belle-mère, nous raconte quel bouleversement cela a été, de rencontrer Ferdinand : « Tu es indifférent à ce qui nous préoccupe et nous hante. […] Tu m’as montré un chemin que j’ignorais pouvoir prendre. » Il y a sa passion des montres, des bêtises, des frigos, des gares, des drapeaux, des voyages ; mais aussi la violence du monde à l’égard du handicap, passant, entre autres, par la difficulté extrême à trouver des lieux sociaux capables d’accueillir une telle « altérité radicale » – nous rappelant au passage que les histoires singulières sont toujours déterminées par les paysages politiques dans lesquels elles s’inscrivent…
Francesca Pollock est psychanalyste. Cela se lit, cela s’entend, de bout en bout, dans sa façon de vivre et de dire Ferdinand. Comment faire lien avec l’autre lorsque les outils habituels sont sans recours ? Chercher, tâtonner, créer. Le handicap, ici, est appréhendé à rebours du déficitaire. C’est au contraire une source infinie d’apprentissage et d’inventivité pour celle qui accepte de se laisser enseigner, interpeller, déboussoler.
Ce n’est jamais à partir de la norme et de la normalité que Pollock pense, écrit. Là est la grande beauté de ce texte aux accents deligniens : « Si l’on accepte de vous suivre, vous avez le pouvoir d’éveiller et de nourrir nos imaginaires endormis. […] Je rêve de vous « prescrire » toi et les autres. »
Étincelant de finesse, de désir, d’amour et de poésie.
éd. Verdier, 2024
96 pages
8 €