Coup-de-coeur d’Anne VIVIER pour Macronique d’Émilie NOTÉRIS
DISSONANCES #40
Ça sonne comme une période géologique : le Macronique, juste après le Jurassique. Paléontologue avertie, Émilie Notéris scrute avec acuité ses strates et c’est la violence qui en surgit, dénominateur commun, fondement, ferment, et courant qui les irrigue.
« Les violences policières ne pouvant pas être qualifiées de violences policières, elles peuvent simultanément se produire mais ne pas exister » : Macronique parle donc en premier lieu des violences policières qui, par différentes stratégies d’évitement et de manipulation du langage, peuvent ne pas exister, et plus généralement de la violence d’une classe dominante envers les minorités. À la violence physique s’ajoutent d’autres violences, plus insidieuses, mais systémiques : violence des dispositifs institutionnels et surtout négation de la violence. Alors que se multiplient les témoignages, les vidéos, la bête se cabre et brandit son arsenal de contre-mesures répressives puisque de toute façon elle ne peut avoir tort.
« La violence est redoublée par la non-reconnaissance de la violence. Moins elle existe pour certain·e·s, plus elle existe pour d’autres » : Macronique utilise une forme d’écriture inclusive et ausculte en creux cette langue française qui porte dans sa chair la marque d’un système patriarcal. L’écriture d’Émilie Notéris est un scalpel d’une redoutable précision, elle n’est que sens, à l’exact opposé des éléments de langage pondus par les conseillers en communication, coquilles vides mystificatrices et formatées sur lesquelles elle s’appuie pour construire sa réflexion.
Macronique est un livre important, une météorite, qui – espérons-le – raconte les soubresauts des derniers dinosaures agonisants.
éd. Cambourakis, 2020
112 pages
10 euros