Coup-de-cœur d’Anne VIVIER pour Sans capote ni kalachnikov de Blaise NDALA
DISSONANCES #45
Il y a l’Afrique, un pays imaginaire pauvre, bourré de diamants et de coltan, une guerre puis un traité de paix, un camp de démobilisation et un hôpital. Il y a ensuite Fourmi rouge, ex-enfant soldat, son cousin Corneille, un humanitaire basque, une star du football et une réalisatrice québécoise. Fourmi Rouge écrit son journal à l’hôpital du camp de démobilisation dans lequel il est soigné d’un mystérieux « jongleur ». Fan de foot et de télé-réalité, il raconte sans filtre son quotidien, son histoire, l’Histoire de son pays dans un récit à tiroirs foisonnant, débordant et fascinant.
L’écriture luxuriante de Blaise Ndala embarque le lecteur dans un tourbillon, le malmène, et déploie des trésors d’humour, à la fois potache et hautement corrosif. Sous l’énergique plume de Fourmi Rouge ce pays d’Afrique inventé devient symbole de ce qui dérape, déraille, dégringole partout dans le monde, et révèle les désastres engendrés par la misère et ses gestionnaires.
Réflexion mordante sur la culture occidentale de l’image et de la communication qui s’infiltre jusqu’aux tréfonds de l’Afrique, sur la fin et ses moyens, sur la marchandisation de la pauvreté (« les pauvres seront toujours parmi nous, faisant de la misère une ressource éternelle, un produit sûr, une valeur refuge, l’or noir réinventé »), Sans capote ni kalachnikov nous offre une fin en pied de nez, esquissant une issue à la spirale de la violence par la culture et la philosophie. Et comme dit Corneille (le cousin) : « Un jour, les riches auront tellement baisé les pauvres que ces derniers, affamés et diminués, n’auront d’autre choix que de manger leurs bourreaux. »
éd. Mémoire d’encrier, 2023
376 pages
13 €