NAULEAU Sophie | Mais de grâce écoutez

Coup-de-cœur d’Alban LÉCUYER pour Mais de grâce écoutez de Sophie NAULEAU
DISSONANCES #46

La scène d’accouchement inaugurale, par temps de pluie et tant d’hostilité municipale à l’égard des parents de la narratrice, coupables d’une trompeuse activité commerçante, révèle sans attendre la langue précise et faussement ironique de ces huit courts récits entre chronique et journal d’autofiction.

« Nul doute que la violence du litige, avec saisie immédiate des gondoles et du stock alimentaire, ait précipité l’heureuse délivrance. […] Les virulentes querelles et branle-bas de combat des services de l’équipement, de la concurrence et des prix, n’étant pas sans effet sur l’intra-utérin. »

Sophie Nauleau nous donne le sentiment d’une discussion au salon d’un appartement bourgeois en volubile et néanmoins érudite compagnie, son goût pour le recours aux archives – journal d’époque, bulletin météo, carnet de santé, etc. – la délivrant joliment de la tentation égocentrique.

« Le soir où Christian Bobin est mort, un renard sur la route s’est jeté dans nos phares, non loin de la voie ferrée. J’ai pleuré ce renard sans savoir. Sans savoir non plus si ma lettre, écrite à la Saint-Christian tout exprès, dix nuits avant son dernier souffle, était restée boulevard Schneider, côté pair, ou avait été emportée in extremis à l’hôpital à ses côtés, noyée dans la pile de courrier de ses admirateurs auxquels il ne répondait plus. »

La grâce du titre prend indifféremment la forme d’une chauve-souris échouée sur un sol de cuisine ou d’une nuit stégophile dans la charpente d’une cathédrale pas encore enflammée. Ou bien des mots, les plus justes, qui accompagnent un poète parti explorer les différentes régions du ciel.

éd. Actes Sud, 2024
74 pages
13 €