Coup-de-cœur d’Antoinette BOIS DE CHESNE pour Respire de Marielle MACÉ
DISSONANCES #48
Dans l’asphyxie de notre temps gangréné par la pollution (et donc les conditions de travail et d’exploitation des vivants), par les mots des dominants qui pervertissent, étouffent et contaminent ce qu’ils désignent, Respire crée un appel d’air. Il est de ces livres pour qui on éprouve de la gratitude une fois refermé ; gratitude prolongée à y revenir : sa concision poétique, l’inattendu de ses rapprochements, ses fulgurances, sa générosité par le nombre d’auteurs convoqués et cités – singulièrement Henri Michaux, mais pas que.
Marielle Macé entretient avec nous une conversation attentive où « la parole vraie déposée dans l’espace qui à la fois nous sépare et nous conjoint, est aussi importante que l’air qu’on respire ».
Son livre, érudit sans être ostentatoire, interroge nos attachements nécessaires : « Pour respirer en effet il faut de l’air, mais il faut surtout une qualité de liens, de paysages, d’avenirs, beaucoup d’autres personnes avec qui respirer, en qui espérer, et qui puissent se respirer en nous. » Cette évidence : l’air nous parvient à travers d’autres poumons, végétaux certes, mais aussi aquatiques, volants, rampants, zinzinants. Toustes participant. Écouter les sens dépliés par le titre – injonction, impératif, nécessité – et ce qui en découle : « Si l’on peut étouffer d’un état du monde, c’est qu’une vie respirable sera avant tout, et forcément, une vie reliée, un respirer-avec, une dé-séparation, une co-respiration. Une « conspiration » si l’on veut. »
La conclusion de ce cheminement – que je ne dévoilerai pas ici – nous laisse en équilibre au creux d’une parole qui aère le monde.
éd. Verdier, 2023
128 pages
8,50 €