Coup-de-coeur d’Alban LÉCUYER pour Avril de Jérémie LEFEBVRE
DISSONANCES #31
« Nous, représentants du peuple, décrétons martyrs les citoyens de droit exerçant les activités d’ouvriers, […] agents d’entretien, hôtes de caisse, téléopérateurs, salariés de la restauration rapide, infirmiers. » Un mois d’avril contemporain en France. Après l’évacuation violente d’un squatt à Paris, le pays connaît sa seconde révolution. Les voitures crament, la police et l’armée sont dissoutes, tandis qu’on reste sans nouvelles des élites de la nation, Michel Houellebecq, Jean-Marc Morandini ou Mylène Farmer. Surtout, l’ordre social se trouve inversé : les bourgeois des centres-villes sont relogés de force dans les cités, les banlieusards investissent les beaux-quartiers. Pour définir le nouveau régime, une Convention nationale édicte une série de décrets salvateurs : abolition de l’héritage et de la propriété privée, interdiction de la chirurgie esthétique et de la presse people, nationalisation des sociétés de coaching et d’événementiel, etc. Jérémie Lefebvre nous fait entendre les voix des acteurs et des témoins – politiques chassés du pouvoir, médias étrangers, nouveaux riches ou cadre sup déclassés – confrontés à ce qui constitue, selon les points de vues, un drame ou une délivrance. « Hou hou, faut se réveiller Carole, t’es plus aux 4000, entre-temps y a eu la révolution, on est dans un trois cents mètres carrés à Madeleine, le mur au fond du couloir ça s’appelle une porte blindée. » Avril nous plonge ainsi dans l’anticipation jouissive et hilarante d’une révolution d’inspiration mao-bio-bobo, d’une insurrection qui advient enfin et ne se contente pas de palabrer la nuit, debout.
éd. Buchet Chastel, 2016
130 pages
13 euros