LANSCOTTE Hélène | Ma femme, cette animale

Coup-de-cœur d’Anne VIVIER pour Ma femme, cette animale d’Hélène LANSCOTTE
DISSONANCES #47

« C’est le printemps, un baiser court parmi les feuilles. » Difficile d’écrire sur la beauté. Le livre refermé, on n’a pas vraiment envie de lui ouvrir les tripes pour en comprendre le charme. Au plus le humer, picorer quelques lignes, le refermer, le regarder. Tout comme cet amoureux qui regarde vivre sa femme, et qui pose quelques mots sur cet être fascinant. Car cette femme tisse avec le règne animal de très étranges jonctions, par son art du camouflage, son ombre sanglier ou la trace laissée par un de ses pieds dans la neige. « Ma femme et moi ne vivons pas les mêmes chaos. » Il n’est pas question d’apprivoiser l’animale mais d’essayer de la comprendre, de l’accepter dans toute son altérité et sa porosité à la nature, de se lover dans son univers comme parfois elle se love au creux du vallon pour dormir à la belle étoile. « Sans ma femme, je ne distinguerais pas la silhouette des animaux qu’elle admire. » Pourtant, malgré tout, cette femme reste l’autre, une autre parmi les autres, ces animaux dont elle fait partie mais dont elle n’est pas. Comment alors réussir à faire le deuil d’être l’autre mais de réussir à communiquer avec lui ? « Je ne pose pas ma femme en être de mystère, toutefois j’éprouve une incompréhension devant son intérêt pour les pigeons. » Si on ne peut pas être l’autre, on peut essayer de travailler avec lui et faire de l’animal déconsidéré un médiateur essentiel dans la vie du couple.
Hélène Lanscotte dresse le portrait sensible de cette femme libre et reliée au vivant, entre l’insaisissable Palafox d’Éric Chevillard et le retour au sauvage de La femme changée en renard de David Garnett. Une poésie actuelle, frémissante, drôle, sensible, en prise avec le monde.

éd. Cheyne, 2024
64 pages
17 €