Coup-de-coeur de Sophie WESTENDORP pour Ma dévotion de Julia KERNINON
DISSONANCES #35
Quand Helen croise Franck par hasard sur un trottoir londonien, cela fait vingt-trois ans qu’ils ne se sont pas parlé. Et justement, Helen a beaucoup à dire. Alors à ce vieillard de 80 ans, elle entreprend de tout raconter. Tous ces détails que sa mémoire a soigneusement conservés, tout ce qu’elle ne lui a jamais dit, sa version de leur histoire commune. « Tu voudrais sans doute me demander comment je vais et me donner de tes nouvelles, mais il y a vingt-trois ans que je pense à toi tous les jours de ton absence, alors tu ne vas pas parler, cette fois, Franck. C’est moi qui vais parler, et moi seule. Je vais tout te raconter, ici et maintenant, debout dans la rue, je vais te raconter toute notre histoire depuis le début, parce qu’il faut que je l’entende, moi aussi. » Commence alors un long monologue haletant, qui saisit le lecteur dès les premières phrases. Le récit de quatre décennies de non-dits d’une amitié amoureuse à sens unique qui a porté Franck au sommet de sa carrière de peintre. « C’était ma position dans le monde – j’étais le lieu où tu revenais. Comme d’autres font des voyages de santé dans leur village de naissance, il me semblait que toi, tu revenais irrésistiblement dans mes parages, comme si c’était moi, ta maison, moi ton essence, ton centre. » Quarante-quatre ans de petits accommodements et de grands mensonges, jusqu’à l’épilogue tragique de leur histoire. De Franck, l’artiste égocentrique et immature, nous n’entendrons jamais la voix ni la défense. Helen l’avait annoncé d’emblée : « Aucun homme, Franck, n’est un héros pour sa meilleure amie. »
éd. du Rouergue, 2018
299 pages
20 €