KAPESH An Antane | Je suis une maudite Sauvagesse

Coup-de-cœur d’Isabelle GUILLOTEAU pour Je suis une maudite Sauvagesse d’An Antane KAPESH
DISSONANCES #46

Texte fondateur de la littérature innue, l’essai d’An Antane Kapesh constitue un témoignage rare et précieux sur la culture et la condition des indiens d’Amérique du Nord, ainsi qu’un réquisitoire implacable contre leur colonisation. À travers neuf chapitres thématiques consacrés à la terre, à la chasse, à l’éducation, à l’alcool, à la police et à la justice, l’autrice raconte la vie révolue de son peuple nomade, son rapport aux humains et à la nature, ses traditions ancestrales, tout en dressant la liste des procédés dévastateurs de la colonisation : mensonges, injustices, humiliations, violences, spoliation des terres, sédentarisation forcée, dépossession de la culture, destruction des structures sociales, volonté de tuer l’indien dans l’enfant, notamment par la création des pensionnats. Ce faisant, elle démontre comment s’est mise en place une entreprise méthodique d’élimination des Amérindiens : « Quand le Blanc a voulu nous enseigner sa culture, à nous les indiens, il avait trois sortes d’écoles : la première, c’était celle de la commission scolaire, la deuxième, c’était le bar et la troisième, la prison. »

Écrit avec les outils des oppresseurs mais en langue innue (qui signifie être humain), « sans parole de blanc », dans un style brut reprenant les formules et la rythmique issues de la tradition orale, ce texte d’An Antane Kapesh est un cri de révolte, un refus de l’assimilation, une revendication de sa culture, de sa fierté d’indienne rebelle : « Je suis une maudite Sauvagesse. Quand j’entends le Blanc prononcer ce mot, je comprends qu’il me redit sans cesse que je suis une vraie indienne… Puisse le Blanc me traiter toujours de Sauvagesse ».

traduit de l’innu par José MAILHOT
éd. Mémoire d’encrier, 2019
218 pages
19 €