Coup de cœur de Julie PROUST TANGUY pour Un homme dans la brume de Dorothy B. HUGHES
DISSONANCES #49

Le narrateur, un ancien pilote de la RAF, tente de devenir écrivain à Los Angeles : il vivote grâce au prêt d’un appartement et à l’argent que son oncle distille au compte-goutte. Il passe ses journées à rôder, observer les femmes et boire. Un soir, il croise un ami, ancien pilote devenu inspecteur, chargé d’une affaire de tueur en série. Le narrateur se joint à l’enquête sous prétexte de trouver l’inspiration : trouveront-ils l’étrangleur ?
Le résumé peut paraître en soi banal. Mais l’écriture de l’autrice transforme cette trame classique en vertige psychologique qui tord le cou aux clichés du roman noir. Ici, les protagonistes féminins ne sont ni des femmes fatales, ni des ingénues à sauver, mais bel et bien des personnages dotés d’une agentivité jusque-là réservée aux hommes. Ces derniers sont loin d’être des héros : brisés par la guerre, ils perdent de leur superbe et ne sont plus que des puzzles que le lecteur doit reconstituer (« Nous sommes une génération qui se pique d’être désinvolte, Dix, nous ne voulons pas que les gens sachent que nous saignons si on nous blesse. Mais l’autodéfense est l’un des derniers instincts primaires qui nous restent. Et, malgré tout ce qu’on a pu en dire, c’était bien de ça qu’il s’agissait. De légitime défense. »).
Adapté au cinéma en 1950 par Nicholas Ray sous le titre In a Lonely Place (Le violent en VF, avec Humphrey Bogart dans le rôle-titre), ce thriller avant l’heure séduit par la justesse de son analyse du psychisme de ces hommes devenus violents par nécessité et condamnés à rester emprisonnés dans leur brutalité.

traduit de l’anglais (États-Unis) par Simon BARIL
éd. Payot & Rivages, 2019
300 pages
9,80 €