Coup de cœur d’Isabelle GUILLOTEAU pour Sois Gaza de Neama HASSAN
DISSONANCES #49
« Écrivez sur Gaza / Il ne restera peut-être plus que nos noms sur vos écrans ». Depuis le 7 octobre 2023, Neama Hassan écrit de sa prison à ciel ouvert. Sois Gaza, injonction née de l’urgence à témoigner, journal de survie, se compose de textes courts, comme autant d’instants suspendus où chaque mot devient une respiration au milieu des bombardements : « L’idée de l’amour juste avant la mort est la seule façon de survivre ici ». On y lit l’attente, le dénuement et l’espoir jailli des ruines : « J’attends que nous ne mourrions pas / pour prouver que les jours passent / et que le matin continue d’advenir à Gaza ». Dans une langue simple et tendue, ces fragments poétiques concentrent toute la tragédie du peuple gazaoui : « Demain est otage, la guerre le tue chaque fois qu’il relève la tête ». Le quotidien y est évoqué avec une intensité déchirante : « Nous voici / sans patrie / sans maison / sans tente / sans trottoir / seules les files d’attente encerclent notre existence ». Derrière l’image banale d’un camion ou d’une tasse de thé, se déploie une nostalgie bouleversante pour une normalité désormais inaccessible. Avec sobriété, sans colère et sans haine, la voix de l’autrice transforme l’horreur en une parole d’une force rare : « La ville entière est sous tes pieds / tu marches sur ta tombe ». Instrument de résistance, l’écriture devient alors rempart contre la déshumanisation et la folie. À la mort omniprésente, elle oppose ainsi une obstination tranquille, parfois ironique : « Gaza n’a plus de sacs / mon dieu, où mettra-t-on nos membres arrachés ? ».
Sois Gaza : un cri puissant dont l’écho hante le lecteur, une leçon de dignité face à la faillite de l’humanité.
traduit de l’arabe (Palestine) par Souad LABIZZE
éd. des Lisières, 2025
72 pages
10 €