Coup de cœur de Tristan FELIX pour Poèmes dévalés suivi de Ivre de cabanes de Pierre GONDRAN DIT REMOUX
DISSONANCES #49
Depuis 2020, la poésie de PGR (chroniqueur par ailleurs) vascularise en tous sens, plonge ses vaisseaux de plus en plus profondément dans la terre, irriguant une langue ivre de ses nouvelles explorations. Elle s’exaspère ici dans le ton et la fulgurance de scènes de chutes, de heurts, d’écrasements, de dérapages sexuels stroboscopiques. Cette poésie devient tempête de vie contre la mort. Des fantômes l’hallucinent, tout entière menacée, absorbée, digérée, hantée par l’animal, le végétal, le minéral – autant d’ancrages radicaux et salutaires. Il arrive même qu’un grand carré blanc, spectre ou porte, repousse les murs d’une page. La rareté ou minutie lexicale qui parfois affleure freine le dévalement des poèmes en produisant concrétions ou fractures d’une langue organique : « cellules pavimenteuses affolées, pauvres fibroblastes éventrés / le gigantesque cimetière marin des algues coccolithophores ». Voici un diptyque contrasté. Ce sont d’abord des flux de prose en legato ou staccato qui arpentent « la ville-friche des bétons morts à peine nés », les tunnels d’une « âme d’os », les falaises qui ont une durée « qui a fait espace », les carrières où frapper le mur de son front « jusqu’à ce que le gypse et les carbonates s’allient en un aloi blanc veiné de sang ». Puis viennent des poèmes en vers d’une acuité frappante : leur ivresse lacustre et forestière, faite de rouille, de boue, d’herbes visqueuses, d’éclats de soleil ou de reliefs animaux, électrise tous les sens. Les images ont tant de force qu’elles entraînent dans leur vertige. On songe aux cinéastes David Lynch ou Philippe Grandrieux. Une telle poésie déclenche des expansions de l’être à travers tous les règnes d’un vivant jamais mort.
éd. PhB, 2025
102 pages
12 €