GIROT Xavier | Villes intérieures

Coup-de-cœur de Jean-Christophe BELLEVEAUX pour Villes intérieures de Xavier GIROT
DISSONANCES #48

« Voici : je t’écris pour t’annoncer mon suicide, qui aura lieu ce mardi. » Ce sont les mots que le jeune Xavier Girot, dans une lettre reproduite en début de livre, adresse à son ami Christian Lavigne qui rassemblera les poèmes du jeune disparu (20 ans) et les fera éditer.
Villes intérieures présente donc 107 textes écrits à l’adolescence par celui qui n’avait « pas du tout le sentiment d’un départ, mais plutôt d’une fixation définitive dans ces feuilles, dans ce soleil, dans ces gens qui passent », et un grand désir de communion et d’absolu.
Si les poèmes sont inégaux, on est tout de même frappé par leur force et la fulgurance des images. Les descriptions les plus banales sont énoncées par des mots simples mais dont l’organisation percute : « Les murs tendus de bancs / gardent des cours très vides ». Les dates d’écriture de tous les poèmes étant indiquées, on est saisi de voir ceux-ci écrits par un garçon de quinze ans : quelle maturité d’écriture, loin des pleurnicheries autocentrées habituelles à cet âge ! Certes, un sentiment de révolte traverse l’ensemble, mais il est le plus souvent nuancé par un regard d’une vive acuité ironique sur la société. Maturité aussi dans la confrontation au vide existentiel et la capacité à le dire en poésie, dans ce désir de sens dont l’auteur sait par avance qu’il restera inassouvi : « Voir se lever un nouveau jour, en ayant tout perdu. // Se sauver. // Mourir les yeux verts. » Et si l’on peut repérer quelques influences (noirceur toute baudelairienne et colorations rimbaldiennes), Xavier Girot a bien son ton et son style propres. Alors, comme cette étoile filante de la poésie, « on ne sait plus très bien si l’on est en train de pleurer ou de vivre. »

RAZ éd., 2017
164 pages
13 €