FELTGEN Élise (extraits)

DISSONANCES #47 | APRÈS L’ORAGE
Sauterelles

« Après l’orage, le temps n’existe plus, il tourne en boucle, plonge, replonge, toujours dans la même eau qui n’en finit pas de cracher rouge. C’est l’eau sanglante de la Seine trouée par le chassepot des Versaillais, l’eau sanglante de la Seine dans laquelle on jette les Arabes. L’eau qui rougit et rougit encore et l’orage ne s’arrête jamais.

Après l’orage, il y a les corps qui se lèvent, galvanisés par la pluie rouge invisible, depuis leurs lits ils défilent invisibles dans les rues cadencées et le bruit des pavés est sinistre, balayé, lavé, un bruit d’eau sombre qu’on évacue discrètement par le tuyau du fond, le tuyau inavouable, le plus cruel, le plus lâche.

Il n’y a personne dans les rues, la marche triomphale est dans les têtes. Après l’orage, le soulagement appartient aux milices, à la flicaille, aux… »