DE SOUZA LEÃO Rodrigo | Tous les chiens sont bleus

Coup-de-cœur de Jean AZAREL pour Tous les chiens sont bleus de Rodrigo DE SOUZA LEÃO
DISSONANCES #46

Incroyable texte que celui-là, où il est question de puce électronique avalée par l’auteur, d’un très singulier « Redoutable Fou », d’hallucinations nommées Rimbaud et Baudelaire, ou du « Todog » (un nouveau culte). Tous les chiens sont bleus nous emmène à l’intérieur de la tête malade d’un poète musicien peintre journaliste brésilien schizophrène.

Dans un univers entre surréalisme et paranoïa, où se mélangent en un maelstrom étourdissant le réel et l’imaginaire (« Rimbaud danse au son du rap de l’éboueur, les agents de la CIA sont autour des barrières »), l’auteur « pleure pour les gros du monde, ceux qui veulent manger maintenant une tarte aux pommes, une truffe au chocolat, mais n’ont pas l’argent » et s’interroge : « Pourquoi le bleu du ciel est si bleu ici à l’asile ? »

Né en 1965 à Rio de Janeiro, Rodrigo de Souza Leão meurt en 2009 après son second séjour en hôpital psychiatrique. Tous les chiens sont bleus décrit sans fioritures ses pulsions, sa déglingue, ses appels au secours, une existence sous tension dans une vie en lambeaux. « Tout est devenu Van Gogh », « Pas dieu : dieux », « Humphrey Bogart contre Charles Laughton », « (du gr. Epilogos) » sont les titres de chapitres d’une œuvre à nulle autre pareille, déjantée, passée au décapant mental, où le narrateur finit dézingué par un fondamentaliste todog : « Là ou je me trouve, tous les chiens ne sont pas bleus. Ils m’ont donné une troisième lunette. Un troisième œil… Tout en trois. Ensuite, encore deux pénis. Encore deux nez… J’ai dû m’habituer à la nouvelle vie et pire : je ne suis pas encore devenu un monstre à cause de ça. »

traduit du portugais par Émilie AUDIGIER
éd. Le Lampadaire, 2023
95 pages
13 €