DISSONANCES #46 | FRAGILE
Discours métaphysique
« Il se peut, dis-tu, que revenir en arrière soit possible ; à l’état des assiettes non-brisées mais simplement fendues, à l’état des néons non-éteints mais clignotant seulement, à l’état des fleurs non-fanées mais à peine flétries. Et, ajoutes-tu, que peut-être les ruines se resoulèvent de terre ; pousses résurgentes d’un tronc coupé en deux, ou même que le sable s’agglomère de nouveau en roches de granit impossible à casser. Et alors, dis-je, qu’est-ce que ça change ? À rebours, tout ce qui a été défait ne se remarque pas et semble parfaitement disposé : cela ne change rien. Rien n’épuise le scandale d’une montre arrêtée soudainement, c’est ainsi. Mais, si tu voulais admettre, reprends-tu, qu’il y a une sorte de marche arrière dans les choses, enfin, veux-tu dire, une insistance qui les fait, irrésistiblement, se retourner sur elle-même, vers le point de divergence où de solides elles deviennent gazeuses. Une habitude, expliques-tu, de l’être dans les choses, d’être ce qu’elles furent avant d’avoir changé ; comme si, d’une certaine façon, l’aiguille trottait encore sur le cadran détruit. Disant cela tu déchires, d’un seul geste, d’un seul mouvement, le coussin du canapé et, autour de toi, volent une myriades de… »