BECK Béatrix | Plus loin mais où

Coup-de-cœur de Justine ARNAL pour Plus loin mais où de Béatrix BECK
DISSONANCES #46

En 1997, âgée de 83 ans, Béatrix Beck signe une dernière œuvre romanesque au titre programmatique : Plus loin mais où. Réédité en 2024 aux éditions du Chemin de fer (accompagné de dessins de Vincent Bizien), ce roman est un condensé de l’exubérance beckienne dont la singularité tient autant à la férocité de son humour qu’à cette langue si charpentée où tous les registres se côtoient.

«  On dit que je fais peur aux gens, tant mieux comme ça ils viennent pas. » : ainsi s’ouvre Plus loin mais où, le point de vue de départ étant celui de Marceline Lantier, vieille dame revêche un peu sorcière, misanthrope radicale vivant de mauvais vin et de rapine, rencontrant Yann Rosengold, étudiant juif en sociologie qui décide de faire de ce « fossile vivant […] maligne comme une fièvre  », son sujet de mémoire. Mais à peine le cadre de sa narration semble-t-il posé dans ce paysage rural reculé, que Beck le pulvérise par la mort brutale de Marceline, l’histoire bifurquant alors vers la ville pour suivre le destin de Yann, devenu professeur, séduisant ses étudiantes…

On retrouve ici les thèmes chers à l’autrice : judéité et nazisme, refus de la morale bourgeoise et de toute convention, existences marginales bricolées pour la liberté, enfants non désirés, rencontre fabuleuse entre deux êtres issus de classes sociales que tout semble opposer, morts brutales. En multipliant les ruptures temporelles sans transition, tout se donne finalement autant dans la concision que dans le silence et les nombreuses ellipses.

Le temps étant compté, son autrice ne feignant jamais de l’ignorer, Plus loin mais où déploie une écriture à l’os, insolente, inconvenante et jubilatoire. Brutale et vivifiante.

éd. du Chemin de fer, 2024
128 pages
16 €