Coup-de-coeur de Tristan FELIX pour Marché aux timbres de Philippe BARROT
DISSONANCES #40
Philippe Barrot éditeur (PhB éd.), revuiste (Les chroniques du çà et là) romancier chez Nadeau et nouvelliste, offre ici un opuscule sur les visages de la République, vue à travers la lorgnette de la vignette, banale et sans cote, figurant Marianne, des années 20 à nos jours, prostituée à son corps défendant – jusqu’à devenir méconnaissable – aux tendances, aux rivalités politiques et idéologiques, aux caprices de l’histoire. La langue y est délicate, minutieuse et familière mais ourlée d’humour et d’ironie. Ce qui charme, c’est la capacité de s’intéresser à la République au travers du lucarnon d’un timbre de collection commun, sans autre valeur que celle de l’acheminement et de l’honorer d’un délire d’interprétation politique et esthétique des plus savoureux et pertinent. Ce qui importe ici n’est pas la possession d’un trésor marchand mais la plongée de l’adulte dans son enfance de collectionneur et celle de l’enfant dans ces havres secrets où s’échangent les amitiés, les passions naissantes et où la personnalité se maçonne contre la répétition. Authentifier un timbre parmi ses semblables, c’est s’authentifier soi-même parmi les autres à travers un langage secret dont le lecteur néophyte goûte l’exotisme. Un timbre vient-il à semer le doute, l’œil expert du modeste amateur ne lésinera pas sur l’expertise pour venir à bout de ce microcosme dont l’auscultation seule lui confère son intime valeur : « Voici peut-être la fonction secrète de ma collection : le révélateur du mouvement aliénation/libération. » Le timbre comme mise en abyme de la grande Histoire et de l’histoire personnelle, membrane sensible révélatrice des soubresauts du monde, et plus petit tapis volant au monde.
éd. PhB, 2021
61 pages
10 euros