Coup-de-coeur d’Isabelle GUILLOTEAU pour Le 5ème mur d’Abdel Hafed BENOTMAN
DISSONANCES #30
Œuvre posthume, Le 5e mur tient à la fois du témoignage, du réquisitoire, de la profession de foi et de la réflexion philosophique. D’emblée, l’auteur nous avertit : « je ne sais pas ce que j’ai écrit, un mini-roman, un long poème, un pamphlet, un exercice de style, de la philo, du caca ? ». En effet, les formes se succèdent pour dénoncer enfermements, mensonges et mystifications : récits, poèmes, lettre « à cœur ouvert et cul serré au président de la république », dialogues (entre acteurs suicidé et déifié, ou bien entre Joëlle et Nathalie, sœurs de geôle). Tirant à boulets rouges sur les institutions, les religions, le monde politique, journalistique, littéraire, Benotman fait tomber murs et masques. Tel Montaigne avançant par « sauts et gambades », il nous peint l’humaine condition à travers digressions et fulgurances, nous livre sa vision lucide et poétique du monde. On retrouve ici la plume incisive des Brèves de parloir et de Style au noir, les chroniques de l’Athégriste. Une « tentative de livre » qui réunit tous les combats de son auteur – la détention, la double peine, le fichage ADN… – et qui érige face aux murs « le LSD, Légitime Social Défense ». Un texte qui dit l’attachement viscéral à la liberté et la force des passions – théâtre, cinéma, écriture (« je n’ai ni ambition ni vanité littéraire, juste un orgueil d’écriture… J’écris pour le cul des femmes, puisant l’humus de la vie ») mais aussi l’amitié et l’amour, valeurs rédemptrices : « C’est avec l’Amour, l’immense Amour, que chacun chacune peut racheter sa part au diable ». Un testament qui fait entendre d’outre-tombe et par-delà les murs, la voix d’Hafed, rageuse, tendre, drôle et libre.
éd. du Horsain, 2015
205 pages
8 euros