ANDRÉ Amandine | Aberrants & dinosaures

Coup-de-cœur de Nicolas LE GOLVAN pour Aberrants & dinosaures d’Amandine ANDRÉ
DISSONANCES #46

Et si Damoclès en plombant son fil d’une épée disait simplement : « c’est ça, aimer » ? Car on s’attache à un livre à si peu de choses : quoi, un œuf pixelisé en couv., bien trop vintage pour ne pas cajoler le dinosaure technologique que j’étais petit, justement ? Un titre régressif et dysfonctionnel, donc terriblement accrocheur ? De jolies pages à corner, et quoi ?… C’est quoi au juste ce livre qui menace de me séduire, et jusqu’à quel point ? Un roman ? Oui, le chapitre 2 « lente, très lentement » tire un solide fil romanesque : la voisine dans ses lettres a « une sensibilité de pute » ; elles seront toutes ouvertes. Un poème ? Mais un poème qui s’auto-théorise, voire s’« antithéorise » dans le même ressassement. Tout cela peut-être, mais… le glaive pèse, et l’amour pique.

Et si, une fois le fil cassé, il m’était tombé sur le crâne autre chose que prévu, pré-lu et présenté : un fruit gâté, une douloureuse, une aberration vraie. Ceci ; une philosophie bien tranchante de l’enfance perdue, quitte à n’y rien comprendre, mais déjà absout : « Je raconte n’importe quoi mais nous ne pensons pas que cela soit un problème », remâché ici jusqu’au désespoir.

Réfléchis : si « Les choses n’arrivent qu’à ceux qui peuvent les raconter. Pourtant les choses sont là », alors l’enfance est affaire aberrante de vieux paléontologues, fouilleurs égarés de leur propre vie. La leçon est rude, si belle ; « Nous n’avons plus quelque chose et je ne sais pas ce que c’est. Cela nous rend parfois inemployables à notre vie et obscurs à nos rêves ». L’œuf originel n’était que le dessus de mon crâne fossile, à présent fendu d’une méchante entaille, oui, mais c’est ça, aimer.

éd. L’extrême contemporain, 2023
120 pages
12 €