PAULIN Frédéric | La Peste soit des mangeurs de viande

Coup-de-coeur d’Isabelle GUILLOTEAU pour La peste soit des mangeurs de viande de Frédéric PAULIN
DISSONANCES #34

« Il y a d’abord l’odeur. C’est une odeur écœurante, âcre, qui oblige à ne plus respirer que par la bouche et qui rappelle en permanence ce qui se passe derrière les murs gris. Une odeur de viande. Une odeur de mort. Parce que derrière ces murs gris, des milliers de bovins sont mis à mort, désossés, découpés et finalement conditionnés pour être vendus dans la grande distribution, chaque jour. Vingt mille tonnes de viande sortent chaque année de l’abattoir. Cette année, il y aura quatre-vingts kilos de plus. Oui, le capitaine Pierre Luchaire devait peser quatre-vingts kilos. Juste avant qu’on ne l’égorge. » Sur sa poitrine, un post-it questionne : « Peuvent-ils souffrir ? », et oriente les enquêteurs vers les militants de La mort est dans le pré.
Ainsi débute cette plongée dans la barbarie de l’élevage industriel.
Selon une construction originale qui déstructure le roman d’enquête, Frédéric Paulin nous rapporte « Ce que l’on dit » avant de nous montrer « Ce qui s’est passé ». À travers le prisme des regards (policiers de l’IGPN, militants de la cause animale, employés des abattoirs), les enjeux économiques et les vies broyées se télescopent ; les maux qui gangrènent notre société se retrouvent alors liés, comme dans l’engrenage d’une chaîne d’abattage : cruauté envers les animaux, violences faites aux femmes, déshumanisation des employés.
Roman noir militant, efficace, documenté, étayé (entre autres) des réflexions philosophiques de Peter Singer, La peste soit des mangeurs de viande imprime en nous des images effroyables et indélébiles de l’enfer des abattoirs, animaux humains et non humains sacrifiés sur le même autel de l’immoralité productiviste.

éd. La Manufacture de livres, 2017
332 pages
19,90 €