DORIO Jean-Jacques | Poèmes à ma morte

Coup-de-coeur de Tristan FELIX pour Poèmes à ma morte de Jean-Jacques DORIO
DISSONANCES #3415

« Ma femme sort de son coffre de pierre / Faisant flotter son écharpe de secrets ». Que meure subitement l’être aimé et la vie du survivant entre en jeu – de vers, de carmen et d’échos : soixante-trois auteurs convoqués sur l’autel où gît un cœur, il n’y va pas de main morte le Dorio : d’Orléans, Marot, Butor, Scève, Goytisolo, Tabucchi, Sophocle, Tzara, Ferré, Desnos, Roy, Hugo, Brigitte Fontaine… « Leur constellation unique façonne un puzzle dont nous sommes en quelque sorte la pièce manquante », lui dit Pérec. Notre poète, inconnu troubadour libertaire à ses heures (deux albums de chansons-poèmes), vit de cette rarissime passion de tresser, de passer, d’entrelacer, de brasser – pour mieux embrasser l’absente. Son blog sur le site lemonde.fr offre un poème inédit par jour depuis le 08/01/2006 et accueille des poèmes avec lesquels toujours entrer en résonnance. Tendre ses bras vers l’autre, parce que « Je suis pierre trouée dans le grand vide ». Ce recueil en forme d’offrande, invite au recueillement, au partage de la peine, en un rituel de condoléances croisées. Son ordre alphabétique ingénument ordonne la douleur : Ariane, Deuil, Mer, Rire, Tamanoir… Mais « Je t’écris dans le plus grand désordre / De vers imprécis / Déréglés  », car cette poésie n’est que la sismographie d’un désastre intime. Ni furieuses trouvailles ni affèteries poétiques ici, mais un bouquet d’humeurs au cœur d’un herbier intime, ouvert sur le grand lit vide. Héritier des traditions lyriques, Dorio affûte ses lames : « Lèvres et dents des moribonds / Prélude funeste de l’œil du deuil ». Poésie, tu fascines la mort.

éd. L’Harmattan, 2018
118 pages
14 €