MOURIER Maurice | Ajoupa-Bouillon

Coup-de-coeur de Tristan FELIX pour Ajoupa-Bouillon de Maurice MOURIER
DISSONANCES #20

Gobert de Bouillon, avant de trépasser en 1680, fit construire sur la pente de la Montagne Pelée une résidence, ajoupa en créole, qui signifie abri. Cet abri dut être rudement costaud pour que deux siècles plus tard naquît Ajoupa-Bouillon, bourgade de Martinique. Le sieur gobait-il le bouillon, commerçait-il avec Dieu le Célèbre (Gott le Berht) ou s’était-il élevé pour échapper à la boue des marigots ? Toujours est-il que l’ouvrage n’en fait qu’à sa bouille, n’aspirant que l’air d’un exotisme salvateur, viscéral, ontologique. Le romancier-poète nous offre ici un très rare recueil qui, parce qu’irrigué par le bouillon renouvelé de mainte émotion esthétique, court-circuite tout consensus poétique, dépayse, décentre. Aucun folklore, mais un pittoresque organique, psychique et cosmique dans un espace-temps à sa mesure hallucinée. Courez sur les pas d’Ajoupa-Bouillon, créature au-dedans et dehors, mâle et femelle, humaine et animale, spectrale. Elle console de la laideur et se souvient de quand on n’était pas là : « Elle peint le monde avant qu’il ne diminue ». Cent poèmes en prose élastique, cent métamorphoses de l’autre en soi-même.

éd. EST-Samuel Tastet, 2009
358 pages
22 euros