GAETZI Claudine | Grammaire blanche

Coup-de-coeur de Christophe ESNAULT pour Grammaire blanche de Claudine GAETZI
DISSONANCES #35

«  Plissures se faisant se démultipliant ». Rien ici ne se paraphrase, ne se reformule. Stérilité d’esquisser les contours d’un propos qui dévierait tant que la phrase (ou le vers-émotion-sens) deviendrait une grossière copie. « Cousant bord à bord les récits, je m’entends aux cicatrices.  » Cette impression à chaque nouveau fragment d’une avancée dans une exposition, sans sujet ou fil nécessaires. Se perdre, revenir sur ses pas, revoir ou relire sans impression de déjà-vu, dans une primauté originelle, enfantine, sans nulle redite. Le désespoir et la mélancolie n’entrent pas – ou alors lors de mouvements qui à aucun moment ne se figent. Un faux air de tonalité modérée, excessive par sa seule élégance. C’est peut-être cela la rencontre avec l’écriture de Claudine Gaetzi. Toutes ses vies n’entrent pas dans ce livre, on sent bien que les prochains eux aussi seront trop étroits pour ce qui se bouscule, en forêts, en rivières et en lucidité. La pensée et la langue en un même fragment textuel. On pourrait les nommer poésie et littérature ou truite fario insaisissable. Texte-truite que l’on essayerait d’attraper en plongeant ses mains sous les racines de l’Être de son auteur. Entre dansé et densité, avec pour vocable une gastronomie sensorielle et ontologique. On remplacerait toute question par un Vivre démultiplié par les palettes du vivre. « Aimer ? ». Le deuxième texte du livre, Belles saisons imparfaites, m’évoque un déménagement-fantaisie où l’on demanderait de l’aide aux mots, tous les mots, pour soulever les meubles de cette impatience à vivre ses plus belles vies futures, passées et son, ses maintenant(s).

éd. Samizdat, 2018
68 pages
13 €