DISSONANCES #25 LA PEAU

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octobre 2013 / 40 pages / 4 euros
mise en images : Gisèle BONIN

ÉDITO : FRACTURE OUVERTE

On peut mentir à sa femme ou abuser ses collègues, on peut disparaître sous la douche ou sous les manches longues, rien à faire : la peau n’oublie pas, la peau raconte, la peau ne peut pas fermer sa gueule. Elle contient et absorbe l’inexplicable, on y surprend nos intimités restées inscrites dans la matière. C’est une séance de peeling à 150 euros bâclée pendant un week-end prolongé, et dont on ne dira pas la déception. C’est la marque honteuse d’un bracelet d’hôtel-club ou celle, javellisée, qui trahit les heures de plonge non déclarées à l’arrière d’un resto de banlieue. C’est aussi tout ce à quoi on ressemble, et qui compose la limite entre le soi et le non-soi. Qu’est-ce que la littérature, après tout, sinon l’épiderme plus ou moins opaque, plus ou moins accidenté derrière lequel on se retranche, par lequel on se soustrait au monde ou, au contraire, qu’on arrache pour enfin hurler nos entrailles ? Le 25e numéro de Dissonances réunit 21 textes qui dépassent la surface vaine des mots pour explorer les limites de ce périmètre dont on ne ressort pas. Le papier que vous tenez entre les mains vieillira, s’abîmera, se froissera peut-être, mais il continuera de raconter nos profondeurs comme une cicatrice ancienne et qui démange encore, longtemps après la disparition du visible.

Alban LÉCUYER

DOSSIER « CRÉATION » : LA PEAU 

Jean-Louis BERGÈRE : Ta peau
« ta peau ta peau ta peau mais arrête un peu avec ça qu’est que tu crois à la fin c’est foutu plié vendu tu la sauveras pas ta peau c’est trop tard depuis le début déjà c’est trop tard t’auras beau t’échiner devant la… »

Stéphane BERNARD : Dans le bain
« le renoncement à l’hygiène est un des symptômes. / la crasse isole, met une distance de plus entre soi / et le reste du monde. / les mues s’agrègent, le futur pourrit sur pied. / c’est à ça que je pense, ici, dans… »

Julien BOUTONNIER : 49 pores
« « Il paraît par cette description, dit notre Anatomiste, que la peau ne saurait être regardée comme une partie similaire ; il n’y en a même aucune dans nos corps, hors qu’on ne voulût appeler ainsi la… »

Lily D. BROOKS : Ce qu’il y a de plus profond
« Il y a cette phrase : La peau est ce qu’il y a de plus profond. Et des images, quelques images – j’ignore s’il s’agit de souvenirs ou de projections. J’ai eu à plusieurs reprises l’ombre d’un soupçon. Une… »

Xavier CARRAR : Douche froide
« Ton corps. / Nu. / Au fond d’un bac à douche. / Ton corps nu recroquevillé au fond d’un bac à douche. / Blanc. / Impeccable. / Ta peau nue. / Tabassée. / Au fond du bac à douche d’une petite maison… »

Jacques COLY : Photographies désinvoltes
« Ötzi, « l’homme des glaces », dont la peau était incisée de traits et de croix. Anciens Égyptiens tatoués de la croix ansée, emblème de la vie et du coït. Prêtres Aztèques qui se perçaient la langue pour… »

Lionel FONDEVILLE : Peaux des naissances
« L’embryon vient par feuilles. D’abord deux : peau et système nerveux / cœur et viscères. Puis s’intercale une troisième feuille : squelette et muscles. Feuilleté, le corps porte jusqu’au bout ce geste pâtissier cent… »

Muriel FRIBOULET : Consolation à Mme D
« Sans lever les yeux elle dit : vous êtes jeune et vigoureuse, Ina. C’est enviable, si vous saviez comme c’est enviable. J’ai pensé encore un de ces maux échappés du vase descellé par la Pandora, la fonction de… »

Romain FUSTIER : Relevé d’elle
« aimes-tu mon corps sous l’orage elle te demande la fenêtre ouverte sur le bruit des premières gouttes qui cliquettent en bas sur la terrasse / elle est exquise ainsi menaçant à tout moment d’éclater les… »

Isabelle GUILLOTEAU : Sauver sa peau
« Depuis quand suis-je ainsi retranchée du monde, affamée, humiliée ? Il y a quelques jours encore, ma mère et mes sœurs tenaient le décompte des journées interminables à assembler des pièces au fond des… »

Françoise JOHNEN : Divergence
« On pense
aux lambeaux de peau blanche
des bouleaux… »

Frédéric LE MOIGNE : Rêve2 (être tatoué)
« Col de la faucille / j’ai erré / regardant par la fenêtre / neiger / de beaux / bouquetins / parfumés / la peau piquetée de rose / Une carte postale pour le prof., dans la vallée / – celui-là, ce n’est pas un stylo qui… »

Karl MENGEL : Un type marquant
« Il a mal au dos. La minette le regarde avec des yeux de merlan frit. Pas besoin de lever la tête de l’aiguille, il sent la fixité dans la hanche, la raideur de la cuisse qui trahit la proie vraiment bête aux… »

Anne MONTEIL-BAUER : Peau [po] n.f. (desquamation du sens)
« Le sac qui maintient mes os tous ensemble / L’endroit où commence la différence entre toi et moi / La terre sur laquelle s’affichent mes chemins / L’étoffe qui plisse un peu plus chaque matin / Le voile qui… »

Derek MUNN : Un texte mal dans sa peau
« La peau. Tout. Rien. En parler, inventer quelque chose. J’avais une idée. Ça commençait : Mon pauvre, un Land Rover s’enliserait dans tes plis. C’est une femme qui parle. Elle parle en faisant son repassage. Elle… « 

Carine PERALS-PUJOL : Tendre écorchée
« tu reposes tandis que j’entame le lent parcours de corps ton corps avec l’instrument léger la lame tranchante et aiguisée du scalpel corps ton corps figé dans son sommeil maintenant profond de plus en plus… »

Jean-Marc THÉVENIN : La peau rousse
« Pour planer les falots laiteuse peau des rousses / Et farder les scansions / La physique des corps dans le savon qui mousse / Pour une sédation. / Et la peau du crapaud de la peau qu’on retrousse / De la… »

Yannick TORLINI : Ici
« ici, nous travaillons l’oubli comme une terre. nous creusons avec nos corps, la roche, la glaise, la racine, l’improbable devenir de. nous creusons la langue, nous creusons, et la guerre creuse notre peau à… »

Élodie VALETTE : De l’autre côté
« La peau ils pensent entaille ils pensent coupure ils pensent que ça s’est déchiré que ça se déchire que ça se déchirera que ça pourrit que ça pourrira quand la peau sous le sol quand la peau dans la terre où plus… »

Jacques VINCENT : Humeurs
« Déboutonnons nos idéaux déshydratés et frottons nos gibouilles, aimons-nous dans la boue comme des hippopotames, léchons-nous lentement comme deux escargots, deux limaçons en rut qui… »

Astrid WALISZEK : Une broderie
« Ma peau répète tes mains, tes mots. Que ça. C’est rien, ou presque rien. C’est juste de l’écriture. Même pas – c’est juste de l’écriture dans la tête, avant de tracer les mots sur la feuille. La feuille, ma peau, un peu… »

PORTFOLIO : Gisèle BONIN

p 4 - nb

« Les productions graphique et picturale de Gisèle BONIN déclinent l’une comme l’autre avec conviction une démarche de plasticienne aussi sensible et méthodique que conceptuelle et prospective en art. […] L’image du corps l’inspire, du corps tel qu’il est de l’extérieur, à… »

RUBRIQUES « CRITIQUE »

DISSECTION (21 questions à un(e) auteur(e) connu(e))  :
CLARO
« Écrivez-vous plutôt « pour » ou « contre », « dans » ou « hors », « malgré » ou « à propos de » ? – J’écris contre, tout contre, contre la langue et tout contre la langue. C’est un tango satanique, et la piste… »

DISJONCTION (4 regards croisés sur une oeuvre remarquable)  :
La Peau et les os
(Georges HYVERNAUD)
« «  Picolo te reconnaît bien, tu sais, m’a dit Tante Julia. Picolo, c’est le chien. Baveux, chassieux, ignoble, il tremblote sur un coussin. » : dès les premières lignes de La Peau et les os, Hyvernaud dégaine et… »

DISSIDENCES (6 coups-de-cœur de lecture)  :
Rodolphe AUTÉ : Bienvenu au bord – éd. P, 2011
Arthur LARRUE : Partir en guerre – éd. Allia, 2013
Perrine LE QUERREC : Le Plancher – éd. Les doigts dans la prose, 2013
Morgane MERTEUIL : Libérez le féminisme ! – éd. L’Éditeur, 2012
Philippe RAHMY : Mouvement par la fin – éd. Cheyne, 2005
J.-L. RAMBOUR
(encres : P. TRÉFOIS) : La vie crue – éd. Corps Puce, 2011