CHOPLIN Antoine & MINGARELLI Hubert | L’Incendie

Coup-de-coeur d’Alban LÉCUYER pour L’incendie d’Antoine CHOPLIN et Hubert MINGARELLI
DISSONANCES #28

incendie

Pavle et Jovan se revoient après des années, celles qui les séparent de la guerre en ex-Yougoslavie. Rencontre fugace, vide, qui ne forme une matière tangible qu’à travers la correspondance qu’ils entament à leur retour. La distance qui les sépare désormais – Pavle vit en Argentine, Jovan à Belgrade – dessine une frontière, un territoire impraticable où la compréhension de l’autre s’étire jusqu’au point de rupture. C’est aussi un décalage horaire selon lequel l’un sera toujours plus proche de l’avenir, et l’autre d’un passé dans lequel s’abiment leurs échanges. Les deux anciens soldats cheminent tant bien que mal jusqu’à la mémoire d’une maison calcinée et des événements que le feu n’a pas encore tout à fait consumés. « Ce n’est pas de ta faute, c’est moi qui suis allé là-bas et qui t’en ai parlé. C’est vrai tu ne m’as rien demandé, mais pourquoi me parles-tu du printemps, qu’est-ce que le printemps a à voir avec tout ça. Je te l’ai dit, je ne sais pas encore ce que j’ai ressenti devant la maison, et j’espérais qu’en t’en parlant tu pourrais m’aider, mais toi tu me parles de la sève et des choses vivantes. Tu ne m’as pas compris. » On en revient toujours au bois, celui de la scierie dans laquelle travaille Pavle, celui dont on a fait les archives musicales que classe Jovan à longueur de journée, jusqu’au papier à lettre à la surface duquel s’élabore le récit d’un incendie dont les braises couvent encore sous les non-dits. À travers ces courriers mimétiques, dont les langages se superposent jusqu’à la confusion, Antoine Choplin et Hubert Mingarelli nous renvoient habilement au monologue intérieur que chacun entretient avec ses réalités inavouées.

éd. La Fosse aux Ours, 2015
82 pages
13 euros