CAVAILLÈS Nicolas | Rotroldiques

Coup-de-cœur de Christophe ESNAULT pour Rotroldiques de Nicolas CAVAILLÈS
DISSONANCES #37

Après lecture d’un gros millier de romans, je n’en peux plus des histoires ou alors si, mais je vais au cinéma. Rotroldiques de Nicolas Cavaillès met à mal mon dire. Ou m’oblige à l’expliciter davantage. Il faut dire non aux raconteurs d’histoires quand leur écriture n’est pas au service d’une langue. Et chez Cavaillès, on se régale les sens, c’est-à-dire et pour ma part que je le lis comme un poète ou un écrivain qui dans la fiction ou la nouvelle tend toujours vers le poétique. Ça se passe aussi ainsi avec les écritures de Marc Graciano ou de Claude Louis-Combet. Voici ce qui se passe dans ses phrases : « Ainsi part-il seul déambuler et perdre son temps, à défaut d’argent, dans les arcanes tranquilles de sa ville, où l’avenir ressemblerait à un parking vide s’il n’existait pas aussi un moyen de conjurer tout cela, de ne pas vendre son âme pour une bouchée de pain, de ne pas rêver d’ailleurs, de ne pas s’assommer dans l’ennui surchargé de pages publicitaires et de mélodies commerciales qui envahit les rues achalandées,… » Petite touche de perversion : l’autre moitié de la phrase se retrouve en page 15. Et je n’ai pas encore évoqué le bar de Nanar de Nogent-le-Rotrou ni et surtout Legrand qui est assez large pour s’imposer durablement, s’installer dans votre réel (et donc effacer mille autres personnages de romans). Là où il y a littérature, il y a inconfort. À la description d’une chirurgie oculaire on pourra emmener son œil deux pages plus loin, ce qui serait bien dommage. On dit que les écrivains sont de petits bourgeois confortablement installés, Cavaillès a dû se poser sur des tabourets de bar très coupants.

éd. Marguerite Waknine, 2019
60 pages
9 €