BOURJON Marie-Claude (extraits)

DISSONANCES #37 | IMPUR
Impure
« abjecte ignoble ordurière servile adultère impie infidèle avilie pourrie altérée boueuse corrompue fangeuse charnelle concupiscente libidineuse trouble contaminée infectée débauchée déliquescente dénaturée dissolue perverse dépravée dévergondée libertine orgiaque vile déshonorée perdue dévoyée délinquante détournée égarée vaurienne frelatée équivoque obscène suspecte honteuse coupable honnie ignominieuse misérable indécente innommable odieuse pernicieuse subversive impudique licencieuse paillarde salace immorale scabreuse osée indigne méprisable scandaleuse infâme crapuleuse salope lascive lubrique vicieuse souillon pouilleuse pécheresse polluée maudite dégénérée
elle
vague
vagabonde
s’envole
amère… »

DISSONANCES #30 | QUE DU BONHEUR !
La dame de Joliette
« Vous n’avez pas encore ouvert les yeux. Vous grimacez un peu. Sans doute les rayons horizontaux du soleil levant viennent-il de frôler votre visage. À travers vos paupières, vous devinez qu’il fait très beau. Vous vous étirez, paresseuse. Il vous revient à l’esprit que c’est aujourd’hui que commence la fête. La jubilation au cœur, vous vous levez cependant sans hâte. Vous ouvrez la fenêtre sur le jardin et vous flairez l’air, à l’affût des parfums du plein été. Vous vous dites que le mirage s’évanouira bientôt, bien que rien encore n’annonce le lumineux déclin à venir.

L’arôme du café que vous êtes en train de préparer suscite une vague d’images suaves. Vous n’étiez pas seule à le déguster autrefois, sous la tonnelle colorée, au long des dimanches de la douce saison. Votre tasse à la main, vous descendez les quelques marches qui mènent à la plateforme de bois en suivant la rampe avec précaution. Sous le grand févier aux branches nonchalantes, vous prenez le temps de disposer la petite table et le canapé d’osier pour vous y prendre vos aises. Vos gestes lents sont précis et réservés. Cet après-midi… »

DISSONANCES #29 | TABOU
Gésine
« Debout sous l’arbre tutélaire, les mains agrippées à la branche qui retient sa douleur, elle refuse de déchirer son ventre. Auprès d’elle, les femmes ahanent et piétinent le sol à la cadence de son corps en besogne. Ressassant les rites ancestraux, elles invoquent les prophètes aussi bien que les secrètes divinités terrestres.

Le désir qui l’habite résiste à la charge impétueuse. Elle peut encore ensevelir l’enfant dans sa chair, le soustraire à la fatalité, l’abandonner aux ténèbres du seul mouvement de sa volonté défiant celle de l’avenir. Elle peut encore réfuter la mémoire et dérober son butin au nom indéchiffrable. Elle pleure déjà celui qui vient, inexorable pourtant.

L’enfant se débat avec obstination dans le sas obscur. Mais elle continue de braver le sort en resserrant ses… »