CENNAMO Laurent | Pierres que la mer a consumées

Coup-de-coeur de Jean-Marc FLAPP pour Pierres que la mer a consumées de Laurent CENNAMO
DISSONANCES #27

pierres

Ce livre est une chapelle (romane et incongrue en ce monde affolé) dont, entré par hasard (la vie m’y ayant mené, ayant du temps pour ça), tout de suite m’a saisi la lumineuse beauté (sans nulle afféterie) comme la présence vibrante (vivante en leur absence) des hommes et des femmes qui ont tous concouru à bâtir ce joyau : l’auteur évidemment et son père bien sûr (puisqu’il s’agit ici de parler de sa peinture) mais aussi celles et ceux – Deleuze, Ernaux, Soutine, Gris, Jaccottet, bien d’autres – qu’une simple citation (voire juste une mention) suffit comme par magie – blanche et de poésie – à incarner assez pour qu’ils sortent de la page et posent en nos vies un peu de leur pureté. Par fragments successifs (parfois seulement un mot) jamais ponctués au bout (s’ouvrant ainsi chacun à celui qui le suit et à la rêverie) qui sont autant de touches, Laurent Cennamo dit (célèbre, fait sentir) la peinture de son père (« En rien peinture muette (même pas tellement silencieuse). On entend presque le déchirement – entre deux êtres si tendrement liés, noués – peut-être le cri de bête, le papier qui se déchire, le cuir qui craque (ou c’est la terre qui s’ouvre)  ») – enchâssées au milieu, cinq pages en couleur donnant à voir, splendides, ce dont il est question – et son père lui-même («  Fausto (Cennamo est caché entre les feuilles, ou sous l’écorce – ou alors se traîne, soldat blessé (« carbonaro ») dans la boue, jusqu’à ce lac sombre ou ce marais) ») avec toute la puissance que confèrent à son chant, en plus de son talent, l’amour et la pudeur : en ces temps perturbés, c’est précieux on ne peut plus.

éd. Samizdat, 2013
96 pages
24 euros